Arfons est un petit village de montagne du Tarn, un lieu à la fois accueillant et isolé. On s’y sent un peu comme sur une île. Un îlot de calme et de tranquillité, où le monde va encore au rythme
« de l’ancien temps ». Mais c’est aussi pour l’amateur d’histoire et de légendes l’occasion de découvertes insolites. Le charme de ce petit village, entouré de forêts au noms évocateurs
(Ramondens, Sagnebaude, Hautaniboul, Cayroulet, Crabes Mortes) parle à mon cœur.
Avant Arfons : l’époque romaine.
Arfons n’existe que depuis le Moyen-âge. Il n’en reste pas moins que son territoire est très fréquenté au moins depuis l’époque romaine. Ainsi en témoigne le tracé de l’ancienne voie romaine qui,
jusqu’au milieu du XIXe siècle, était la seule route qui reliait Arfons à la Plaine, et traversait la montagne jusqu’à Carcassonne.
(Près de la voie romaine dans la forêt de Ramondens)
Les alentours de la voie romaine, dans la forêt de Ramondens, sont un lieu très pittoresque, avec de grands blocs de granit qui rappellent ceux du Sidobre. Certains rochers ont été par le
passé débités, sans doute pour orner les maisons du village, sur lesquelles l’on voit effectivement souvent de beaux linteaux en granit.
Au début du siècle dernier, on voyait encore au hameau des Escudiès une stèle ou un autel orné d’une inscription dédicatoire au dieu Sor (Deo Sor), le Sor étant une charmante rivière du
cru. Faut-il voir là le vestige d’un culte des eaux ? Oui en tout cas d’après l’auteur de l’histoire d’Arfons, qui dit que, dans un acte du XVIIe siècle, les sources sont encore
désignée révérées du nom de « saintes » : « Tête sainte du Sor » « Tête sainte de l’Aiguebelle ».
Arfons, établissement hospitalier.
Certaines traditions et quelques documents laissent penser qu’il y avait à l’origine, au Xe siècle, une abbaye bénédictine sur le territoire d’Arfons. Quoi qu’il en soit, il n’en reste aucun
vestige.
Ce sont les Hospitaliers qui ont fondé le village d’Arfons (XIIe siècle) en organisant le défrichement des grandes forêts du lieu. Pour ne pas manquer de bras, les Hospitaliers attiraient
les habitants des villages d'alentour, en leur donnant un lopin de terre. En outre, pour attirer plus de monde, le territoire d’Arfons avait été érigé par les Hospitaliers en sauveté, terre
d’asile où l’on ne pouvait poursuivre les gens en délicatesse avec la justice. Cette sauveté était délimitée par des croix, dont certaines sont encore apparentes : la croix de
Montalric, la croix des Fangasses.
La légende de fondation.
Une légende a trait à la fondation d’Arfons par les Hospitaliers. Ceux-ci auraient bâti la ville à l'endroit où un chevreuil noir venait boire. Un animal étrange, difficilement
identifiable, est sculpté dans l’Eglise d’Arfons. Serait-ce une représentation stylisée du chevreuil légendaire ?
Les hospitaliers ont laissé des traces plus tangibles. Le hameau des Escudiès, dont le nom signifie écuyers, était le lieu où se trouvaient les écuries des Hospitaliers. Plusieurs fermes
fortifiées de ce lieu dateraient d’ailleurs de l’époque des chevaliers. Les Hospitaliers avaient également construit un château au lieu-dit la Tour, mais aucun vestige n’en subsiste aujourd’hui.
Leur commanderie se tenait à l’emplacement de l’Eglise actuelle d’Arfons.
Le plus beau vestige de la présence des Hospitaliers est la chapelle du hameau des Escudiès, construite du XIVe siècle, et rénovée par des bénévoles à la fin du XXe siècle. Vous pouvez la
visiter en demandant la clé aux habitants du hameau.
Les Hospitaliers quitteront Arfons à la Renaissance. La croix de Malte figure encore dans les armoiries d’Arfons, témoignage de leur rôle dans l'histoire du village.
Moyen-âge et Renaissance.
L'histoire d'Arfons est tumultueuse et agitée, en contraste avec le calme et la paix qui y règnent de nos jours. Arfons est, pendant tout le Moyen-âge, une communauté isolée
où il est difficile de survivre, entre les famines, les pestes (1348, 1530, 1644), les velléités belliqueuses des seigneurs, les incursions des grandes compagnies ou des brigands.
Arfons est détruit une première fois, 20 à peine après sa fondation, vers 1170, sans doute par les bandes d’un seigneur local. Elle est recontruite après la Guerre contre les Albigeois, en 1236.
Au XIVe siècle, la communauté se maintient tant bien que mal par sa production de viande et de lait. Par malheur, Arfons est ravagée par les Anglais vers 1350. Vers 1400, un commisaire royal
témoignage que la montagne est déserte, les fermes vides, les terres en friches. Les rares habitants doivent chasser les bêtes sauvages qui dévastent leurs maigres cultures. Les loups
rôdent. Les Ecorcheurs, une compagnie de bandits de grands chemins, mettent le pays en coupe réglée à cette époque: leur nom laisse présager le pire quant à leurs méthodes !
Les temps modernes (à partir du XVIIe siècle).

A l’époque moderne, les conditions de vie s’améliorent. De grandes et belles maisons sont construites, dont la « Chartreuse », belle bâtisse qui date sans doute, à vue de nez, du XVIIe
ou du XVIIIe siècle. De la même époque,une belle Vierge, (aujourd’hui remplacée par une copie) qu’on peut voir au coin d’une maison, protégée par une grille de fer joliment ouvragée.
La deuxième guerre mondiale a été marquée par les prouesse du Corps Franc de la Montagne Noire. Une de ses actions mémorables fut de défiler à Revel un 14 juillet, en pleine occupation allemande.
Des monuments témoignent de ses hauts faits aux Escudiès, ainsi qu'au lieu-dit "la Prune", où un contingent minime de maquisards parvint à tenir en échec une division allemande tout entière.
Traditions et mystères.
-Autrefois, en bons gaulois, les habitants d’Arfons mangeaient pour la fête de leur village (premier dimanche de septembre) le mouton en partie rôti, en partie en sauce au vin. Le
repas était accompagné de millas. Ce classique de la gastronomie régionale est une bouillie consistante, faite à base de farine de maïs et parfois de graisse animale. Grillé ou
sucré, le millas est indifféremment accompagnement pour la viande ou dessert.
-Une étrange statue se trouve dans une niche surmontant la porte d’une maison. On l’appelle la « Toustoune » (la poupée). Certains y ont vu une vierge, d’autres une statue romaine, une
déesse-mère (Y a-t-il une féministe dans la salle ?)… Pour moi, elle ressemble à une sorte de personnage drapé tenant un livre ou un parchemin : peut-être un évangéliste ?
-Une fontaine insolite, en contrebas du village, porte le nom de Fontaine des Canons. L’eau y jaillit en effet dans des tuyaux qui ressemblent à des canons de fusil !