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Mélanges
Comptes rendus

Chave-Dartoen Sophie, Leguy Cécile, Monnerie Denis (dir.), 2012, Nomination et Organisation sociale

Paris, Colin (« Recherches »)
Catherine Baroin
p. 193-195
Référence(s) :

Chave-Dartoen Sophie, Leguy Cécile, Monnerie Denis (dir.), 2012, Nomination et Organisation sociale, Paris, Colin (« Recherches »), 382 p.

Texte intégral

1Les trois éditeurs de ce livre sont des spécialistes de champs différents de la recherche, et c’est à ce titre qu’ils ont conjugué leurs compétences pour éclairer la difficile question du rapport entre nomination et organisation sociale. Ce sujet se situe en effet au confluent de disciplines connexes : l’anthropologie sociale, l’ethnolinguistique et la cognition. En introduction, les trois auteurs soulignent le caractère novateur de leur démarche, car le lien entre nomination et organisation sociale n’a guère été traité jusqu’à présent, en dépit de l’abondance des travaux sur l’organisation sociale d’une part, et sur la nomination d’autre part.

2Dans une première partie, chacun des auteurs dresse un état des lieux pour les trois domaines en cause : Denis Monnerie pour l’organisation sociale, Cécile Leguy pour l’ethnolinguistique et Sophie Chave-Dartoen pour la cognition. Tout d’abord, Denis Monnerie rappelle, dans une fresque très didactique, l’histoire des concepts qui sous-tendent, depuis l’origine, les travaux d’anthropologie sur l’organisation sociale, essentiellement centrés sur la définition et l’étude des groupes, et c’est en ce sens que l’étude de la nomination ne pouvait guère y trouver place. Cette dernière en effet conduit « à une reconfiguration des descriptions, des interrogations, des analyses sur l’organisation sociale » (p. 50).

3Dans le même esprit, Cécile Leguy souligne que la linguistique s’est tardivement intéressée au nom de personne. Elle explique la difficulté des linguistes à définir le nom propre, par opposition au nom commun, et souligne la nécessité d’une linguistique de l’énonciation pour appréhender le nom propre. Celui-ci en effet n’est pas donné en soi, il importe de comprendre dans quelles circonstances et par qui il est employé. C’est donc « non plus seulement au produit, le nom propre, mais d’abord au processus, la nomination » qu’il y a lieu de s’intéresser (p. 66). Elle souligne pour conclure la complexité des significations dont le nom de personne est porteur, si bien qu’il « n’est pas seulement un index, il porte tout un champ de références personnelles et sociales, qui en font une catégorie linguistique spécifique dont l’appréhension dépasse le seul champ de l’analyse linguistique et nécessite une compréhension plus globale, anthropologique, mais aussi cognitive » (p. 81).

4C’est à cette appréhension cognitive que s’attache Sophie Chave-Dartoen, évoquant à son tour toute une gamme de travaux dans ce domaine. Elle remarque que la nomination dénote une compréhension du monde (p. 84) et fait l’objet d’un apprentissage différencié par rapport à celui des noms communs (p. 89). C’est d’ailleurs une zone spécifique du cerveau qui est activée par leur usage (p. 90). Elle souligne la multiplicité des informations et des représentations condensées dans le nom de personne (p. 120). Les règles de choix, de création, de dation et de transmission des noms propres comme les codes onomastiques sont liés à l’organisation des relations, des connaissances et des règles de l’action dans une société donnée (p. 125).

5Ce premier volet théorique de l’ouvrage est suivi d’une série d’études de cas, pour la plupart fort éloignés de l’Afrique : Nouvelle Calédonie (2 contributions), Vanuatu, Wallis, Java et le Brésil. Ces textes décrivent une grande variété de situations et illustrent une large gamme de facteurs à prendre en compte dans l’étude des noms, depuis la conception du monde et l’agencement des rituels jusqu’au contexte particulier de telle naissance.

6Seuls deux articles relèvent du champ africain. Le premier est une étude très fine de Noël Gueunier sur l’évolution des noms de personne à Madagascar. Cet auteur souligne la multiplicité des facteurs qui interviennent dans la nomination : les croyances (l’interdit rituel de prononcer le nom des défunts, qui éclaire l’absence de noms de famille), les règles de bienséance, la nécessité de protéger son identité intime qui explique un goût prononcé pour l’emploi de titres. L’évolution des noms malgaches est liée, bien sûr, à la christianisation, à la colonisation puis au souci de s’en démarquer, tout comme au niveau d’instruction, notamment.

7Le second texte africaniste est l’étude, par Cécile Leguy, de la nomination chez les Bwa (Mali et Burkina Faso). La connaissance intime de l’auteur pour ce terrain lui permet de décrypter divers exemples de « stratégies discursives » très originales. Les noms donnés aux enfants y sont des messages indirects adressés à tel ou tel partenaire au sein de la famille, faisant allusion à tel événement particulier, où la naissance de l’enfant ne sert finalement que de prétexte. Ces cas illustrent non seulement la remarquable créativité qui est en œuvre, mais aussi comment la nomination peut être, au bout du compte, complètement détournée de son objectif le plus manifeste, qui consiste à donner un nom à un enfant.

8Il y a lieu, pour conclure, de saluer l’initiative des trois éditeurs-auteurs et la qualité de leur démarche. Ils mettent l’accent, avec cet ouvrage, sur l’intérêt d’un large champ de recherche encore peu exploré. Ils y apportent une introduction théorique excellente, suivie d’études de cas riches et diverses. La recherche en ce domaine en sera assurément stimulée.

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Pour citer cet article

Référence papier

Catherine Baroin, « Chave-Dartoen Sophie, Leguy Cécile, Monnerie Denis (dir.), 2012, Nomination et Organisation sociale »Journal des africanistes, 83-2 | 2013, 193-195.

Référence électronique

Catherine Baroin, « Chave-Dartoen Sophie, Leguy Cécile, Monnerie Denis (dir.), 2012, Nomination et Organisation sociale »Journal des africanistes [En ligne], 83-2 | 2013, mis en ligne le 30 juillet 2014, consulté le 21 avril 2025. URL : http://journals.openedition.org/africanistes/3448 ; DOI : https://doi.org/10.4000/africanistes.3448

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Auteur

Catherine Baroin

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