Pour l'étude des régionalismes
du français moderne :
carotte "betterave" et formations connexes
Jean-Pierre Chambon
0. Introduction
Si carotte rouge "betterave potagère" bénéficie d'un article dans le DSR, il n'a pas été traité dans le DRF, et pas davantage le simple carotte. Ces deux particularismes s'étendent pourtant sur des aires étendues où ils semblent jouir en général d'une forte vitalité. Les lignes suivantes voudraient donc apporter un complément au DRF en rassemblant, d'une part, la documentation concernant ces deux unités lexicales en français de France et un corrigendum au DSR en discutant l'étymologie qu'il admet, et en ébauchant l'histoire de ces diatopismes. Elles voudraient aussi répondre, par là même, à la question : comment peut-on, aujourd'hui, documenter, traiter et expliquer un régionalisme du français ?
L'étude réclame la mise en œuvre de trois types de données : i) la documentation contemporaine apportée par les glossaires de français régionaux pour la synchronie 1975-2000 ; ii) la documentation historique, beaucoup moins dense et nécessairement moins systématique ; iii) la documentation dialectologique. Après la présentation des matériaux sous forme lexicographique (§§ 1-3) (') et un état critique de la question (§§ 4 et 5), nous nous efforcerons d'éclairer la genèse et la diffusion de carotte "betterave" et de plusieurs formations connexes (§§ 6-10) (2).
1. La documentation contemporaine (1975-2000)
Le dossier ci-dessous tente d'organiser selon des conventions inspirées du DRF les informations disponibles, tirées surtout des glossaires récents de régionalismes du français de France (v. la bibliographie). Aux données relatives à carotte et à carotte rouge, nous avons ajouté sous III celles, moins nombreuses, concernant un troisième type, carotte jaune. Sous II, la localisation des données romandes (tirées du DSR) a été rappelée entre crochets carrés. Les pourcentages caractérisant la vitalité proviennent des enquêtes de reconnaissance du DRF. Étant donné la très grande rareté des exemples tirés d'écrits non métalinguistiques (marqués par un astérisque préposé ci-dessous), nous avons cité systématiquement les
(1) Nos vifs remerciements s'adressent à Eva Buchi, Christian Hérilier, Wulf Müller, Yan Greub et, tout particulièrement, à France Lagueunière pour son aide judicieuse, à Pierre Rézeau, qui nous a aimablement confié les matériaux réunis au cours de la préparation du DRF, ainsi qu'à Jean-Paul Chauveau qui, avec son libéralisme coutumier, nous a permis de mettre à profit le fichier du FEW.
(2) Les abréviations et les sigles sont ceux du FEW, du DRF et du DSR.
