Le gisement de Ternifine et l'Atlanthropus
PAR
C. ARAMBOURG Professeur au Muséum
Parmi les problèmes majeurs de paléontologie humaine demeurés en suspens, celui de la nature des artisans des industries chelléo- acheûléennes était jusqu'à maintenant l'un des plus importants.
Il vient d'être résolu par la récente découverte, dans le gisement de Ternifine en Algérie, de deux mandibules humaines associées à une faune abondante et à une riche industrie de bifaces primitifs.
Ce site, connu depuis 1872, consiste en une butte de sable exploitée comme sablière. Mais la présence d'un cimetière musulman couronnant la butte en avait fait suspendre depuis longtemps, l'exploitation. Toutefois, dès 1931, une étude des lieux m'avait appris que la sablière, dans laquelle de nombreux restes de faune et d'industrie avaient été recueillis autrefois, n'avait été exploitée que jusqu'au niveau d'une nappe aquifère qui en noyait la base. Un sondage de reconnaissance m'avait montré que cette partie inondée, qui correspond aux parties les plus anciennes du gisement, était aussi très riche en restes fossiles et industriels. C'est fort de cette expérience que, au mois de mai dernier, chargé par la Direction des Antiquités de l'Algérie de reprendre les recherches dans le gisement, j'entrepris, avec la collaboration de M. Hoffstet- ter du Centre National de la Recherche Scientifique, une fouille méthodique de la partie inondée, jusqu'au contact du fond argileux, en épuisant la nappe d'eau.
C'est dans ces conditions que très rapidement d'importants documents paléontologiques et archéologiques furent recueillis ainsi que deux mandibules humaines.
La faune comprend une majorité d'espèces à caractère africain tropical : l'Hippopotame, un Eléphant {E. atlanticus), un Rhinocéros voisin du Rhinocéros blanc (ou peut-être identique), ain Zèbre (E. mauritanicus), de nombreuses Antilopes de tous genres, une Girafe, un Camélidé (Camelus Thomasi Pom.), des Carnivores (Hyène tachetée, Lion, Chacal, etc.). A ces éléments, plus ou moins voisins de types actuels, il faut ajouter un Machairodus, . un Phacochère géant du groupe de Notochocrus et un grand Cynocéphale voisin de formes fossiles géantes d'Afrique orientale et australe. Ces trois éléments suffisent à fixer l'âge du gisement de Ternifine au début du Pleistocene moyen (étage « Kamasien » des géologues africains, équivalent des Hautes terrasses du Quaternaire européen).
L'industrie conduit à des conclusions identiques : elle consiste en bifaces, trièdres, hachereaux, avec quelques grands éclats de type clactonien. Le tout exclusivement taillé au percuteur de pierre, dans une matière qui peut être le quartzite, le grès ou le calcaire; le silex est très rare. D'après les spécialistes, tels que M. Balout, cette industrie correspondrait à un acheuléen primitif.