Catherine BAROINí
Organisation territoriale, organisation sociale :
la logique du système touhou
L'organisation territoriale des sociétés pastorales fut, il y a : quelques années, le thème d'un séminaire de recherche parisien. Ce type d'approche stimule la réflexion, puisque bien des traits saillants d'une organisation sociale s'inscrivent presque physiquement dans le territoire et la façon dont les hommes se l'approprient. Pourtant, s'agissant des Toubou, ce point de vue semble de prime abord ne rien apporter. Une organisation territoriale ? Ils n'en ont pas, ou si peu Г Dans une séance de ce séminaire, en avril 1981, nous avons tenté de montrer que la faiblesse de l'organisation territoriale toubou est liée à la fluidité de leur organisation politique (Baroin 1981), au contraire des Touaregs chez lesquels l'organisation politique détermine l'organisation territoriale. Lorsque la première existe, ne s'inscrit-elle d'ailleurs pas nécessairement dans la seconde ?
Nous nous efforcerons ici de pousser un peu plus loin la réflexion, et d'examiner en quoi la faiblesse de l'organisation territoriale toubou entretient des rapports logiques avec tout un ensemble d'autres traits distinctifs de cette société et apparaît, au bout du compte,- comme l'un des maillons d'un ensemble intrinsèquement cohérent.
Une structuration territoriale très souple
La ; structuration territoriale, chez les Toubou, est uniformément faible. Ces pasteurs saharo-sahéliens, musulmans comme leurs voisins, occupent un domaine géographique de 1 300 000 kilomètres carrés, centré sur la partie septentrionale de la république du Tchad et débordant largement sur le Niger à l'ouest ainsi que sur la Libye au nord. Dans ce vaste espace, ils vivent pour l'essentiel d'un élevage extensif de chamelles, auquel s'ajoute celui des vaches: dans la zone sahélienne. Ces animaux sont élevés pour leur lait, qui constitue avec le mil la base de la nourriture toubou. Rappelons que, ces pasteurs se subdivisent en deux grands groupes, les Téda au nord et les Daza au sud. La différence entre eux est avant tout linguistique, le téda-ga et le daza-ga étant deux dialectes apparentés d'une même langue, proche du kanouri. Téda et Daza.