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GUINÉE

Nom officiel République de Guinée
Chef de l'État Mamady Doumbouya - depuis le 5 septembre 2021 (Par intérim)
Chef du gouvernement Bah Oury - depuis le 29 février 2024
Capitale Conakry
Langue officielle Français
Population 14 405 468 habitants (2023)
    Superficie 245 860 km²

      La Guinée, petit pays (245 857 km2) en forme de croissant, bordé par l'océan Atlantique, la Guinée-Bissau, le Sénégal, le Mali, la Côte d'Ivoire, le Liberia et la Sierra Leone, présente des profils régionaux contrastés qui en font un condensé de tout l'Ouest africain : plateau couvert de savanes, forêts d'altitude, plaines maritimes avec plages et mangroves, reliefs souples ou tourmentés du Fouta Djalon et nombreux cours d'eaux. Cette diversité de nature offre des ressources minières importantes (fer, bauxite), apporte une couverture végétale et animale riche et complémentaire exploitée par des peuplements humains variés aujourd'hui mélangés et assez bien répartis sur l'ensemble du territoire (9 millions d'habitants). Leurs racines puisent dans une histoire faite d'influences issues tant de l'expansion des royaumes soudanais que du dynamisme des petites unités côtières, en relations précoces avec l'islam, le christianisme, les navigateurs et les colons européens.

      Dans les frontières actuelles du pays, délimitées de 1895 à 1911 par les puissances coloniales, la première moitié du xxe siècle se déroule sous domination française. Après l'accession à l'indépendance, le 2 octobre 1958, le nouvel État s'est lancé dans une « révolution populaire non capitaliste » sous la direction de son « responsable suprême », Ahmed Sékou Touré, qui domina la vie politique jusqu'en 1984. Objet d'admiration pour avoir été la première colonie française d'Afrique noire à obtenir son indépendance et pour s'être faite promotrice de l'unité africaine, la Guinée a provoqué, par la suite, maints jugements contradictoires et les plus expresses réserves pour sa politique intérieure et extérieure. Avec l'instauration, en 1984, d'une IIe République régie par un gouvernement militaire dirigé par le colonel Lansana Conté puis, en 1993, d'une IIIe République, le pays a amorcé une libéralisation complète de son économie sans réussir à améliorer le niveau de vie de sa population. Confronté à d'importantes crises sociales et politiques, au bord du gouffre financier, menacé par les guerres régionales qui traversent ses frontières, le régime est à bout de souffle. Il doit relever d'immenses défis tels qu'assurer l'indépendance économique du pays en utilisant au mieux l'important pactole procuré par l'exploitation des mines, réaliser une alternance politique pacifique et construire les bases d'un nouvel État de droit. Avec le décès de Lansana Conté le 22 décembre 2008 et l’installation d’une junte militaire dès le lendemain, la Guinée est encore plus fragilisée.

      Guinée : carte physique - crédits : Encyclopædia Universalis France

      Guinée : carte physique

      Guinée : drapeau - crédits : Encyclopædia Universalis France

      Guinée : drapeau

      Géographie

      À l'issue du refus de son maintien dans la Communauté française exprimé lors du référendum de 1958, la Guinée est le premier pays d'Afrique noire francophone à devenir indépendant. Cet isolement relatif a généré un gâchis économique d'autant plus dommageable qu'elle bénéficie de ressources abondantes sur un territoire de 245 857 kilomètres carrés peuplé de plus de 10,6 millions d'habitants lors du recensement de 2014,qui abrite le château d'eau et le point culminant (mont Nimba à 1 752 m) de l'Afrique de l'Ouest.

      Ressources et handicaps

      Avec une forme de croissant étirée entre 120 40' et 70 20' de latitude nord, la Guinée présente une originalité naturelle forte. Mais les risques d'enclavement et d'orientation centrifuge ne sont pas minces sur ses confins, car la tête administrative et l'exutoire économique de Conakry, la capitale, sont en position excentrée sur la côte atlantique. Un relief parfois imposant en retrait de la plaine côtière et un peuplement ethnique hétérogène se combinent pour donner de réelles singularités géographiques aux quatre régions « naturelles » de basse, moyenne, haute Guinée et Guinée forestière depuis la constitution de la colonie française. Les variations de densité sont d'abord fortes autour d'une moyenne nationale de 37 habitants par kilomètre carré, entre le sous-peuplement de la haute Guinée et la principale concentration humaine du littoral. Des paysages de mangroves à la nuance quasi montagnarde du climat tropical humide de Guinée, le potentiel agricole présente de plus des combinaisons diverses.

      Aux « rivières du Sud » revient d'abord la culture de la banane depuis le xixe siècle. La petite production s'est développée mais reste orientée vers Conakry. Large de quelque 150 kilomètres depuis la côte, la basse Guinée bénéficie de 2 000 à 4 000 millimètres de pluies par an et de nombreux cours d'eau qui font apparaître la maîtrise de la riziculture inondée par le peuplement dominant des Soussous. Le potentiel de cette Guinée maritime est surtout celui de ses ports. Riche de plus de 300 kilomètres de côtes entre la Guinée-Bissau et la Sierra Leone, le pays a fait de la pêche une priorité de sa modernisation. Elle bénéficie des eaux froides du contre-courant marin des Canaries, et reste concentrée sur le secteur artisanal. C'est pourtant la pêche industrielle, dominée par une flotte étrangère, qui tire les meilleurs avantages d'une coopération internationale favorable à l'exportation des prises de qualité, et qui effectue un rattrapage sensible avec plus de 40 % d'une production nationale en hausse en 2004.

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      La moyenne Guinée se singularise par les hauteurs du Fouta Djalon entre les villes de Labé et de Mamou, centres de commerce. La région est le fief de Peuls, sédentarisés depuis le xviiie siècle, qui constituent le groupe ethnique le plus représenté en Guinée. La fraîcheur d'altitude est propice à l'élevage bovin. L'économie des versants associe la valorisation des pâturages, qui reste extensive, les cultures d'agrumes et les jardins potagers. Source de nombreux fleuves d'Afrique de l'Ouest, la moyenne Guinée pâtit pourtant des maigres efforts consentis à son potentiel énergétique. Les insuffisances d'aménagement routier se font également sentir dans un relief compartimenté de hauts plateaux aux vallées mal valorisées. Les difficultés d'accès s'estompent vers les confins de la région où les Peuls se sont métissés avec leurs voisins. La frontière avec le Sénégal vaut au développement local la contribution économique de nombreux émigrés.

      Dominant le vaste angle nord-est du pays, le bassin supérieur du Niger n'est arrosé que de 1 000 à 1 500 millimètres de pluies par an. Kankan y domine une position de carrefour routier et de terminus ferroviaire depuis la côte, bien centré en direction des frontières malienne et ivoirienne. Les plaines alluviales sont le domaine des combinaisons agraires de savanes, céréales-tubercules, pas totalement débarrassées de l'onchocercose. Les traditions marchandes sont plus denses. Associées à l'exploitation artisanale des ressources aurifères (préfecture de Siguiri) et diamantifères (prospection de Gbenko-Banankoro sur la route de la Guinée forestière), elles ont souffert des restrictions (1964) puis des interdictions (1975) imposées au commerce privé. Ses acteurs ont été conduits à nombre de trafics qui n'ont pas disparu avec la libéralisation des années 1980, et à réorienter leurs entreprises vers la Guinée forestière voisine.

      Tout au sud, le pays connaît un relief de nouveau accidenté, la « dorsale guinéenne » se trouvant au cœur de l'unique région administrative de Nzérékoré. Les sols ferrugineux dominent sous d'imposants massifs de forêts ombrophiles. L'exploitation du bois, encore prédatrice pour les sols, se trouve associée à la culture du riz. La Guinée forestière s'impose comme une zone stratégique pour le ravitaillement vivrier du pays, manioc et arachide complétant l'exploitation des collines sur brûlis. Mais au prix d'une pression humaine et foncière croissante : la population de la région a augmenté de 43 % de 1983 à 1996 ! À sa marqueterie ethnique déjà spécifique s'ajoute une dynamique migratoire conjuguant des mouvements internes à la Guinée et l'accueil de plus de cinq cent mille réfugiés libériens et sierra-léonais depuis 1989.

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      La région est enfin le domaine des cultures commerciales promues par la colonisation. Le café a moins bien résisté à l'isolement et au vieillissement de la petite production paysanne que les palmeraies à huile et les plantations d'hévéas, toutes deux soutenues depuis 1987 par des investissements agro-industriels sur financements extérieurs. Nzérékoré apparaît surtout mieux relié par route au port de Monrovia (Liberia) qu'à celui de Conakry. L'exploitation du fer de l'extrême Sud guinéen connaît ainsi un fort retard depuis le début des années 1980. Les gisements des monts Nimba et Simandou sont estimés entre 3 et 4 milliards de tonnes de minerai à haute teneur et 350 millions de tonnes de réserves prouvées. La guerre civile du Liberia et le classement en réserve naturelle intégrale du mont Nimba par l'UNESCO (1981) ont finalement déplacé le problème de la production à celui du financement de son évacuation ferroviaire vers l'un des ports de la sous-région.

      La modernisation de la Guinée, dont plus des deux tiers de la population est rurale, apparaît donc contrariée par un manque de communications, par la fragilité de nombre de productions et par l'insuffisance de leur commercialisation entre les quatre grands ensembles du pays. Le déséquilibre territorial se lit enfin dans la population urbaine qui est concentrée sur une des capitales d'Afrique de l'Ouest les moins équipées et les plus engorgées, dans la presqu'île de Kaloum. Avec plus d'un million d'habitants en 2006, Conakry a multiplié sa population par dix depuis l'indépendance.

      Les occasions manquées du développement

      Malgré ses ressources, la Guinée présente de nombreux indicateurs de la pauvreté : un PIB qui plafonne à 460 dollars par habitant, une espérance de vie faible (54 ans à la naissance), une mortalité infantile élevée (98 p. 1 000), un taux d'alphabétisation encore minoritaire et la progression rapide de l'épidémie du sida d'après les données guinéennes de 2005 et 2006. Cette situation a déjà motivé l'Initiative pour les pays pauvres très endettés du F.M.I. et l'approbation d'un Document stratégique de réduction de la pauvreté de la Banque mondiale, depuis la fin des années 1990. Mais, pour la population, la pauvreté se traduit par des pénuries chroniques de denrées de base et par un accès à l'eau et l'électricité encore embryonnaire, dans un climat social tendu.

      La Guinée reste en effet à la marge de la sous-région en dépit de son appartenance à la Communauté économique des États d'Afrique de l'Ouest (CEDEAO). Le remplacement du Franc CFA, en 1960, par une monnaie au cours flottant (franc guinéen et syli) a conduit à une inflation durable et à la faillite financière d'aujourd'hui. Elle entretient des pratiques économiques douteuses (trafics illicites et pratiques spéculatives) qui privent le pays d'investissements potentiels, malgré plusieurs dévaluations depuis 1986.

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      La rente alumine-bauxite constitue la plus grosse occasion manquée de la Guinée. Le pays est le deuxième producteur mondial de bauxite et contribue à 40 % de son commerce. Après une exploitation d'abord insulaire, les gisements de basse Guinée (Fria-Kimbo, puis Sangarédi-Boké et Kindia-Débélé) assurent la production nationale avec la participation de capitaux américains et français. Des financements iraniens devraient encore valoriser le secteur de Dabola, dans le centre du pays, dont les réserves sont estimées à 2,5 milliards de tonnes. Le complexe électricité-bauxite manque pourtant toujours. Non seulement la Guinée reste privée de perspectives industrielles, l'aluminium étant produit à l'extérieur, mais elle dépend, pour 80 % de ses devises, des exportations de la seule bauxite, ainsi que des techniciens et des capitaux étrangers qui assurent cette spécialisation économique. La capacité de production (entre 14 et 16 millions de tonnes par an de 1999 à 2004) reste dérisoire au regard des 12 milliards de tonnes de réserves exploitables, les deux tiers des réserves mondiales, de leur qualité et de leur facilité d'exploitation à ciel ouvert.

      Les incertitudes de l'économie guinéenne sont largement liées à celles de la gouvernance politique depuis plusieurs décennies. Les mesures coercitives appliquées d'abord sous le régime de Sékou Touré, dans l'agriculture au nom de l'investissement humain, puis contre un commerce considéré comme « parasite des ressources guinéennes », les coopérations russe (mines) ou chinoise (riziculture), n'ont ni comblé le défaut de cadres, ni résolu le manque de cohésion nationale. La corruption greffée sur les circuits d'État a au contraire discrédité le politique au lieu de moderniser l'économie.

      Quant à la IIe République, instaurée en 1984, elle n'a pas rompu avec l'usage de la théorie du complot au fil des trois élections présidentielles qui ont maintenu Lansana Conté à la tête de l'État. La dernière en date, en 2003, confirme un blocage général qui n'est pas sans conséquences sur les investissements dans le pays : dialogue difficile avec une opposition divisée, démissions et remaniements ministériels ne permettent pas de mettre en œuvre les réformes attendues par les principaux bailleurs de fonds, Union européenne et institutions issues de Bretton Woods. Face à une dette extérieure de près de 4 milliards de dollars au milieu des années 2000, à l'absence de devises disponibles pour en honorer les échéances, la plupart des bailleurs réagissent par des suspensions ou des retards volontaires de décaissements de leurs crédits. La reprise des négociations financières, les engagements de l'autorité politique en matière de respect des droits de l'homme, de transparence électorale, de décentralisation, de bonne gestion économique et de rationalisation de la fonction publique font partie d'un scénario déjà éprouvé.

      — Monique BERTRAND

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      Écrit par

      • : géographe, directrice de recherche à l'Institut de recherche pour le développement (U.R. 013, migration, mobilités et peuplement)
      • : professeur à l'université de Montréal
      • : docteur en histoire de l'université de Paris-I, chercheuse associée au Centre d'études des mondes africains, unité C.N.R.S. 8171
      • Encyclopædia Universalis : services rédactionnels de l'Encyclopædia Universalis

      Classification

      Médias

      Guinée : carte physique - crédits : Encyclopædia Universalis France

      Guinée : carte physique

      Guinée : drapeau - crédits : Encyclopædia Universalis France

      Guinée : drapeau

      Ahmed Sékou Touré, vers 1963 - crédits : Keystone/ Hulton Archive/ Getty Images

      Ahmed Sékou Touré, vers 1963

      Autres références

      • GUINÉE, chronologie contemporaine

        • Écrit par Universalis
      • AFRIQUE (Histoire) - Les décolonisations

        • Écrit par
        • 12 429 mots
        • 24 médias
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      • Afficher les 21 références

      Voir aussi